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Egalité des femmes et des hommes dans la vie locale

Egalité - 12.05.2021

Pour ses 15 ans, la Charte du CCRE se renouvelle | Entretien avec Jaimie Just
La Charte européenne pour l'égalité des femmes et des hommes dans la vie locale, initiée en 2006 par le Conseil des Communes et Régions d’Europe (CCRE), fêtera en ce mois de mai ses quinze ans. A cette occasion, nous nous entretenons avec Jaimie Just, Conseillère – Egalité et Diversité  au CCRE. Spoiler : La Charte va être actualisée et les communes bruxelloises peuvent participer aux travaux pour aboutir à une Charte renouvelée.

Trait d’Union : Pouvez-vous nous resituer le contexte dans lequel la Charte a été élaborée ? Et comment elle a été promue ?

Jaimie Just : « Tout a commencé par le rêve des membres de la Commission des élues locales et régionales du CCRE (depuis lors rebaptisée Commission permanente pour l’égalité) d’une société égalitaire et de la nécessité pour y parvenir d’améliorer l'égalité entre les femmes et les hommes dans les villes d'Europe.

En 2004, la Commission européenne avait soutenu un projet ambitieux : la conception d’une ville idéale dans laquelle toutes discriminations seraient supprimées, soit un modèle parfait d’égalité.  Ce projet, “Egalité dans les villes d'Europe”, a rassemblé des expériences et pratiques locales de toute l'Europe, et aboutit au guide “La Ville pour l’égalité”.

Toujours accompagné par la Commission européenne, le CCRE a ensuite voulut prolonger ce projet en se lançant dans l’élaboration d’une charte européenne pour l'égalité femmes-hommes dans la vie locale. 

Le but de celle-ci est d’obtenir l’engagement public des élus locaux et régionaux, par leur signature, à appliquer dans leurs municipalités les mesures reprises dans la charte.

Ce document est le fruit d’un an de consultations et concertations entre les associations membres du CCRE, des représentant.e.s politiques locaux.ales et d’expert.e.s. Ce temps de gestation a permis de s’assurer que cet outil, conçu pour les autorités locales, constituait un document d'appui politique fort et contenait suffisamment d’exigences d'engagement politique en faveur de l'égalité tout en tenant compte des différents domaines de la vie quotidienne d'une femme qui font l'objet des discriminations. »

On situe traditionnellement la date de naissance de la Charte à sa présentation aux 23e Etats généraux du CCRE à Innsbruck (Autriche) le 12 mai 2006. Innsbruck a dès lors été la première signataire de la Charte. Toutefois, la Charte a un lien bruxellois car c’est lors d’une conférence à Bruxelles, les 20 et 21 février 2006, qu’elle a en réalité été pour la première fois publiquement présentée. 

Lors du lancement officiel en mai 2006 à Innsbruck, les dirigeant.e.s locaux et régionaux européens ont été invités à signer la charte, et à s'engager publiquement à prendre dans la foulée des mesures concrètes en faveur de l'égalité des femmes et des hommes à tous les niveaux de la vie locale.

Par après, la Charte a circulé par le biais des réseaux du CCRE et a percolé au sein des collectivités en Europe. Elle a connu une assez forte dissémination et a même bénéficié de présentations aux institutions européennes.

Son succès vient aussi de ce que son texte a connu au cours des années pas moins de 28 traductions.

Au fils du temps, il est cependant apparu que les signataires de la Charte avaient besoin de soutien supplémentaire et de conseils pour élaborer leurs plans d’action pour l’égalité au niveau local, et pour en améliorer la mise en œuvre et le suivi.
 
Dès lors, le CCRE a mis en place dès 2013 l’Observatoire de la Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale, soit une plateforme d’échange pour faciliter le contact et le partage des bonnes pratiques entre collectivités.

Et en 2015, des indicateurs ont été développés pour aider les signataires à évaluer la mise en œuvre de leurs plans d’action. »

Combien compte-t-on aujourd’hui de signataires ? 

Jaimie Just : « La Charte fédère à ce jour plus de 1 850 collectivités territoriales répartis dans 36 pays européens.

Et plus de deux tiers des communes bruxelloises ont déjà signé la Charte : Anderlecht, Auderghem, Berchem-Sainte-Agathe, Bruxelles, Etterbeek, Evere, Ixelles, Jette, Saint-Josse-ten-Noode, Schaerbeek, Uccle, Woluwe-Saint-Lambert et Woluwe-Saint-Pierre. La première commune Belge à signer fut Bruxelles, dès 2008, la plus récente étant Uccle en 2019. »

Certaines communes ont signé la Charte il y a deux législatures de cela, peut-on toujours espérer qu’elles soient toujours au fait de cet engagement ? Notamment pour passer de l’engagement symbolique à sa concrétisation par le biais des plans d’action.

Jaimie Just : « En se fondant sur notre expérience auprès des signataires partout en Europe, c’est vrai qu’un des manquements majeurs réside dans la mise en œuvre effective de cette Charte suite au renouvellement périodique des élus. Il y a parfois une perte d’affinité et certains anciens signataires ne sont plus toujours parfaitement conscient de l’engagement de leur commune.

Ici, on a donc un travail important à réaliser à travers nos associations membres – et cette interview est une première démarche – et notre réseau de coordinateurs.trices pour renouveler les contacts avec les collectivités et leur faire prendre conscience de leur engagement, voire même ranimer la flamme de ce dernier. 

A contrario, au regard des plans d’action - que les signataires sont censés rédiger endéans les deux ans de la signature -, Bruxelles et de Woluwe-Saint-Lambert nous donnent par exemple une perspective optimiste. La Ville de Bruxelles a d’adopté en 2020 son deuxième plan d’action, alors que Woluwe a élaboré son premier plan en 2018. 

Cependant, Je suis sûr que d’autres plans ont été établis depuis les cinq ans que j’ai passés à cette fonction au CCRE… mais que ceux-ci ne sont tout simplement pas arrivés jusqu’à mon bureau. Je n’ai aucun doute que de nombreux pouvoirs locaux mettent en œuvre des politiques spécifiques pour promouvoir l’égalité femme-homme, lutter contre les stéréotypes de genre et s’attaquer aux violences faites aux femmes et aux filles. 

Ce n’est pas évident de suivre tout ce qui se passe sur le terrain. J’invite donc toutes les collectivités, communes et administrations à envoyer au CCRE leur plan d’action et à partager leurs expériences. 

Ces partages sont important en ce qu’ils servent à inspirer les autres et participent de la construction d’une Europe plus égalitaire—en commençant par le niveau local.

Concrètement, pour commencer à élaborer un plan d’action, chacun doit évaluer la situation et les besoins spécifiques à sa commune. Ensuite prioriser deux ou maximum trois articles de la Charte pour établir une feuille de route, et prévoir les ressources humaines et financières adéquates. » 
 
Les CPAS, qui sont une institution spécifiquement belge, peuvent-ils adhérer à la Charte ?
 
Jaimie Just : « Je ne vois à première vue pas ce qui pourrait les en empêcher. Tout juste faut-il garder à l’esprit que le signature exige un engagement politique fort en faveur de l’égalité. Mais elle reste un instrument flexible quant à son adoption. 
 
Le CCRE ne prescrit pas une “bonne” façon d’adhérer. La Charte est un instrument conçu pour un niveau européen et elle doit donc être assez souple pour prendre en compte la diversité des structures de gouvernance de chaque pays, en fonction de la répartition des compétences et capacité des collectivités. Il revient finalement à chaque autorité de décider comment adhérer. Le plus souvent, un Conseil communal débat et vote l’adhésion, laquelle est formalisée par une signature du bourgmestre.
 
On trouve même parmi nos signataires plusieurs associations nationale de villes et communes ou des unions régionales. Plus nombreux nous serons, plus nous évoluerons vers l’égalité! »
 
Les communes jusqu’ici non signataires peuvent-elles toujours adhérer ? 
 
Jaimie Just : « Oui, nous continuons à encourager toutes les communes à adhérer. Sans doute mènent-elles d’ailleurs déjà des actions pour promouvoir l’égalité femmes-hommes… et dans ce cas, pourquoi n’en profiteraient-elles pas pour donner à celles-ci un cadre et un surcroit de visibilité? Il s’agit alors de formaliser ce choix par ailleurs en réalité déjà posé d’œuvrer en faveur de plus d’égalité dans leur communauté, mais aussi de se connecter aux autres municipalités et de rejoindre un réseau européen. »
 
Quelles sont les célébrations prévues par le CCRE autour du quinzième anniversaire de la Charte ? Comment les communes peuvent-elles prendre part à des activités de célébrations ou s’emparer du thème de l’égalité ?
 
Jaimie Just : « La commémoration des 15 ans de la Charte s’articule autour 4 mots clés: 
 
Reconnaître les réalisations et les avancées en matière d’égalité locale qui ont été rendues possibles par la Charte européenne pour l’égalité (définition de l’agenda politique et bonnes pratiques)
Réfléchire à la Charte en tant que document vivant ; déterminer comment la garder moderne et pertinente pour les citoyens d’aujourd’hui et pour de nombreuses années à venir ; identifier des méthodes pour mieux communiquer sur son fonctionnement ; la relier à des cadres politiques nationaux et internationaux plus larges. 
Célébrer les personnes et les organisations qui ont fait de la Charte une réalité et un succès sur le terrain. 
Moderniser la Charte et ses outils en se basant sur les résultats de la deuxième étape ; aboutir à des résultats en 2022-2023.
 
Le 12 mai, un webinaire de lancement a été organisé pour reconnaître les réalisations de la Charte et valoriser son impact dans le travail d’égalité locale et régionale en Europe. Nous y avons aussi annoncé les actions et évènements qui s’étaleront au cours de l’année. 
 
Des ateliers de réflexion seront organisés entre juin et novembre 2021, structurés autour de groupes d’articles de la Charte. Par exemple, un atelier pourrait être dédié à la violence sexiste (article 21, 22, 23) et s’ouvrir par une intervention dynamique et stimulante d’un.e activiste ou universitaire, suivie d’un travail collaboratif en petits groupes pour discuter de chaque article individuellement via l’analyse de ses forces et faiblesses pour terminer par une proposition de modernisation du texte. 
 
Ces ateliers déboucheront sur un rapport final contenant des recommandations d’actions pour réviser la Charte et ses outils en 2022-2023. 
 
Auparavant, la cérémonie de célébration, prévue pour début décembre à Bruxelles, offrira déjà l’occasion de partager les résultats des ateliers de discussion des mois précédents et d’annoncer les projets à venir. Nous espérons de tout cœur que la situation aura évolué pour nous permettre de réunir un grand nombre de signataires, de représentants d’associations de collectivités locales et régionales, d’acteurs institutionnels de l’UE et d’autres défenseurs de la Charte pour une soirée de célébration. »

Une des limites des communes pour déployer leur plan d’action est parfois leur besoin d’encadrement …

Jaimie Just : « oui et autant le CCRE fournit le cadre (La Charte) et des outils sur le site, autant nous ne pouvons fournir une aide personnalisée à chaque demandeur. Toutefois, nous partageons régulièrement les informations concernant les politiques de l’égalité de l’UE et en Europe (Conseil d’Europe, etc.) et des opportunités et ressources des organisations de la société civil et féministes. »

Mais c’est aussi tout l’intérêt d’un réseau que de pouvoir s’entraider. Mais d’autre piste sont sans doute à trouver via les éventuelles aides financières dont peuvent bénéficier des pouvoirs locaux de la part d’autre niveaux de pouvoirs en matière d’égalité des chances. »

Hormis l’anniversaire de la Charte, présentez-nous les grands axes de travail du CCRE en matière d’égalité des chances pour 2021 ?

Jaimie Just : Cette année, l’équipe “Citoyenneté” du CCRE cherche à mieux intégrer les droits humains dans son travail avec les associations nationales et à fournir du soutien politique et de solidarité envers ceux qui pourraient être confrontés à des défis dans leur pays d'origine ou à des réactions négatives (backlash) à l’encontre des politiques d’égalité. Ainsi chercherons nous à renforcer notre soutien aux collectivités polonaises et à y promouvoir la Charte.

En termes de plaidoyer auprès des institutions européennes, le dossier le plus important de l’année sera consacré aux violences faites aux femmes. Un projet de législation devrait voir le jour en novembre prochain. Le CCRE contribue dès lors aux consultations pour assurer que le rôle indispensable des collectivités territoriales soit bien reconnu dans le texte législatif et pour plaider pour une meilleure coopération et coordination entre les différents niveaux de gouvernement pour lutter efficacement contre les violences faites aux femmes et aux filles.

À l’international, le CCRE s’appuiera sur  PLATFORMA (le partenariat pour la coopération décentralisée au développement) pour promouvoir la Charte auprès de la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine. Le CCRE a dans ce cadre organisé en mai un atelier destiné aux 70 villes ukrainiennes qui ont déjà adhéré à la Charte.. »

Pouvez-vous présenter le projet de Charte des collectivités territoriales pour l’égalité des genres en Afrique ?

Jaimie Just : « Il s’agit d’une coopération entre Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique (CGLU Afrique) et son Réseau des Femmes Élues Locales d’Afrique (REFELA), le Conseil des Communes et Régions d’Europe et Platforma (CCRE/PLATFORMA), et enfin Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU) pour avancer sur les questions de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale en Afrique.

Les associations de gouvernements locaux et régionaux européennes, africaines et mondiales mentionnées s'engagent à contribuer à la réalisation de l'Agenda 2030 et du 5e Objectif de développement durable (consacré à l’égalité entre les sexes) notamment en rédigeant la Charte des collectivités territoriales pour l’égalité des genres en Afrique, qui s'appuiera sur les principes contenus dans le Nouvel agenda urbain, visant à renforcer les gouvernements locaux et à fournir des services de base inclusifs et pour aboutir à des sociétés durables.

La Charte africaine sera nourrie de l'expérience du CCRE et de la Charte européenne pour l'égalité des femmes et des hommes dans la vie locale. »

Comment la Charte peut-elle s’insérer dans le renouveau des revendications féministes qui ont émergé ces dernières années ? 

Jaimie Just : « Les valeurs et principes fondamentaux de la Charte sont bien alignés sur de nombreuses revendications féministes, et les actions et initiatives politiques (y compris l’intégration de la dimension de genre, le “gender mainstreaming”) suggérées dans les 30 articles offrent des solutions et des réponses au besoin réel et pressant de garantir la sécurité et l'accessibilité égalitaire dans l'espace public, garantissent que toutes les femmes de tous âges et de toutes origines aient une voix égale dans la prise de décision et accès aux ressources et aux services publics. 

Peut-être que la façon dont nous communiquons et nous engageons avec la jeune génération de citoyens, y compris les militantes féministes, nécessitera cependant une nouvelle façon de présenter et de parler des thèmes et principes intemporels consacrés dans le texte de la Charte. » 
 
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